Homélie : « Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le »
La Transfiguration (Lc 9, 28b-36)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
« Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ».
Quel est le sens de cet événement merveilleux sur la montagne de la Transfiguration ?
Jésus choisit trois disciples que l’on retrouvera plus tard au pied du Mont des Oliviers, à Gethsémani, cette fois-ci, non pour une transfiguration mais pour une « défiguration », celle de son agonie.
L’événement advient alors que Jésus prie. L’aspect (eïdos, en grec) de son visage devint « autre ».
Au-delà des apparences, qui est Jésus ? Environ huit jours avant, nous signale le début du verset de l’Évangile de ce jour, que le texte liturgique n’a pas retenu, Jésus avait posé à ses disciples la question : « Pour vous, qui suis-je ? ». Pierre avait répondu : « Tu es le Messie de Dieu ». Pierre, dans sa foi toute nouvelle, avait « vu », au-delà des apparences, qui était Jésus.
Aujourd’hui encore, il nous est demandé parfois de nous prononcer pour dire qui est Jésus, au-delà des apparences, de ce qu’on en dit, notamment dans certains articles, documentaires ou fictions sur la personne de Jésus et la question est donc toujours d’actualité : Pour nous qui est Jésus ? Le récit de la Transfiguration nous invite à le découvrir grâce aux termes et aux images du récit : ils nous font voir Jésus tel qu’Il est réellement, par le témoignage des trois Apôtres.
« Son visage devint autre » Il faudrait traduire par « l’autre », car le mot est utilisé pour dire « l’un et l’autre » dans le cas de deux termes : c’est un dual (« étèron »). Quel peut être l’autre visage du Christ ? Les Apôtres connaissaient son visage humain : ils contemplent à présent son visage divin.
Son vêtement est brillant comme un éclair et ils voient la « gloire » de Jésus. Mais ils voient aussi deux personnages de l’Histoire du peuple de Dieu : Moïse, qui a reçu la Torah, l’enseignement contenant les volontés divines ; et Élie, qui fut le grand prophète, rappelant sans cesse les exigences de cette Torah de l’Alliance ; tous les deux ayant vécu bien des siècles auparavant. Et tous les deux étant morts dans des circonstances particulières : Moïse, face à la Terre Promise, et dont on n’a jamais retrouvé le tombeau, précise la Bible (Dt 34,6) ; et Élie, enlevé au ciel sur un char de feu (2 R 2,11). Les Apôtres sont invités à franchir les apparences visuelles pour entrer dans ce monde définitif où ils retrouvent les grands croyants.
De quoi parlent Moïse et Élie avec Jésus ? « De son Exode qui allait s’accomplir à Jérusalem ». Exode signifie « sortie » « départ ». Son Exode sera la passion et la mort que Jésus vient d’annoncer huit jours avant à ses Apôtres. Pierre ne veut pas que cela s’arrête ; il veut rester dans cette situation extraordinaire : « Faisons trois tentes » Vont-ils faire du camping sauvage ? Les tentes rappellent celles du peuple de Dieu dans son Exode, au désert. N’est-ce pas dans la Tente de la Réunion où se trouvait en l’Arche d’Alliance et les tables de la Loi que Dieu rencontrait Moïse et son peuple ? D’ailleurs, Dieu manifestait sa présence par « la nuée qui la couvrait de son ombre ». Il est très probable que la scène se passe à l’automne, et que c’était la Fête des Tentes, Soukkot, fête juive la plus ancienne à l’occasion des récoltes de fruits et des premières pluies attendues depuis six mois. C’est au cours de cette fête qui durait huit jours que les juifs célébraient, dans la joie, le don de la Torah.
Mais quelle est à présent notre Torah ? N’est-ce pas Jésus Lui-même ?
- Celui qu’une voix céleste, celle de son Père, nous invite à découvrir comme le Fils qu’il a choisi, Dieu lui-même.
- Celui que nous sommes invités à accueillir et à garder dans notre cœur en l’écoutant.
- Celui que nous sommes invités à révéler autour de nous, après être redescendus de la montagne où nous sommes venus l’écouter et goûter sa présence au-delà des apparences.
Voilà comment nos Messes dominicales peuvent être des « montagnes de Transfiguration », à condition de les voir au-delà des apparences, dans la foi aux signes que Jésus Lui-même nous a laissés : sa Parole, le Pain de la Vie, la coupe de son sang et l’Église, son Corps, rassemblé en son Nom.
AMEN !