Homélie : Bartimée
Guérison de l'aveugle de Jéricho (Mc 10, 46-52)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Bartimée
Josué [Jésus et Josué se disent dans la Bible grecque des LXX de la même façon] sort de Jéricho : il ne s’est rien passé ! Et pourtant, Jéricho représente le moment fort de l’entrée en Terre Promise, la première ville conquise par les Hébreux arrivant d’Égypte après 40 ans de désert. Regardons de plus près.
Tandis que les disciples et une foule nombreuse accompagnent Jésus de Nazareth traversant la ville, assis au bord du chemin, se tient un homme qui a perdu la vue, Bartimée. Dans l’Évangile de Jean, Jésus rencontre un autre aveugle de naissance et la question de ses disciples est tout de suite de demander : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle : lui ou ses parents ? » (Jn 9, 3). Dans la mentalité de ce temps, toute infirmité était considérée comme une punition due à une infidélité à Dieu. Jésus répond de façon radicale : « Ni lui, ni ses parents ! » ouvrant un regard tout autre sur Dieu.
Toujours est-il que Bartimée est exclu de la vie ordinaire, laissé sur la touche. Cependant, s’il ne voit pas, il écoute, en vrai fils d’Israël : « Écoute Israël… » « Shema Israël… » (Dt 6, 4), profession de foi de base de tout Israélite, répétée plusieurs fois par jour. Dans sa nuit, n’éprouve-t-il pas un manque profond de communication ? Il est de ceux que désigne la béatitude : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » (Mt 5, 5) que l’on peut traduire mot à mot : « En marche (levez-vous !) ceux qui sont en deuil (et qui donc vivent un manque profond) : ils auront la Consolation, c'est-à-dire, le Messie Lui-même », comme le vieillard Siméon qui attendait la “ Consolation d’Israël ” : Lc 2, 25.
Un cri jaillit alors de sa poitrine : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » N’est-ce pas là une vraie profession de foi messianique ? La foule ne voit en Jésus que le rabbi guérisseur de Nazareth à qui elle fait honneur. Elle est gênée par les cris de détresse et d’espoir de cet aveugle. Mais lui, de plus en plus fort, clame sa profession de foi et son espoir : « Fils de David, aie pitié de moi ! » Malgré le brouhaha, Jésus s’arrête : lui aussi sait écouter. Alors la foule change d’attitude : « Bon ! Courage ! Lève-toi, Il t’appelle ! » Et lui, rejetant son manteau, se libérant du peu qu’il avait, bondit vers Jésus.
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Quelle drôle de question ! Mais ne traduit-elle pas toute la délicatesse de Jésus qui demande que nous disions clairement ce que nous désirons, même quand la demande est on ne peut plus naturelle et humaine ? « Que je recouvre la vue ! » A comprendre au premier comme au second degré : voir, jouir de sa vue, et voir le vrai sens des choses telles que Dieu les voit. « Va, ta foi (cette autre manière de voir à la façon de Dieu) t’a sauvé ». Elle t’a fait entrer dans toute la lumière, Bartimée, à tel point qu’à présent, tu veux suivre ton Sauveur. « Il recouvra la vue et le suivait sur le chemin ».
Jésus quitte Jéricho pour monter à Jérusalem, cœur de la foi. Il va y être acclamé par la foule aux cris de : « Hosanna au Fils de David ! » (Marc 11, 8-10) et les gens jetteront leurs manteaux sur son passage.
Le chemin de libération du Sauveur commence à Jéricho pour s’achever à Jérusalem, avec, comme pour héraut et premier sauvé, Bartimée. Ce chemin fait appel à la foi qui fait entrer dans la Vie.
“Voir” au-delà des apparences, comme Bartimée qui devint son disciple (acolyte dans le texte) et non comme cette foule qui accompagnait Jésus.
Éprouver nos manques pour lui demander de les combler, Lui le Messie, la Consolation d’Israël, le Fils de David.
Suivre le nouveau Josué, suivre le libérateur, sur la route alors qu’Il monte à Jérusalem pour passer de ce monde à son Père, de cette terre à la terre promise définitive.
Bartimée : le fils de Timée, dit l’Évangile, mais cela ne nous renseigne pas beaucoup. Timée, en araméen, désigne l’impur ; celui qui a péché : Bartimée, le “fils de l’impur” ; mais en grec, cela signifie : “Le fils très précieux” !
Ne nous invite-t-il pas à une magnifique conversion ?
AMEN !