Homélie : Effata !
Guérison d'un sourd-muet (Mc 7, 31-37)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
L’Évangile d’aujourd’hui nous décrit les déplacements de Jésus. Il nomme les villes païennes du Liban actuel : Tyr et Sidon, ainsi que la Décapole, « déca-polis », ces dix villes qui étaient elles aussi en territoire païen, hors de la “Terre Promise”. Puis Jésus se déplace vers la mer de Galilée, province qui brassait, à l’époque, un grand nombre de nations païennes. Cet épisode de la vie de Jésus se situe entre deux multiplications des pains : l’une destinée au peuple juif, à l’issue de laquelle l’on ramasse Douze corbeilles, comme pour continuer de nourrir les Douze tribus d’Israël et les Douze Apôtres, l’autre avec Sept corbeilles pour continuer de nourrir l’ensemble des nations (chiffre 7) auxquelles seront données Sept Diacres issus du monde païen grec, ces deux multiplications des pains annonçant évidemment le Pain de Vie donné aux juifs comme aux païens.
Saint Marc veut révéler l’immense désir de Jésus de gagner à l’Évangile, non seulement le peuple héritier des promesses de Dieu mais aussi tous les peuples de la Terre que Dieu aime autant. C’est cette ouverture du Fils de Dieu aux nations qu’il exprime ainsi et qu’il va illustrer par la guérison du sourd-muet, non sans avoir juste auparavant raconté la délivrance du démon auprès de la fille d’une syro-phénicienne, païenne elle aussi.
Avec cette guérison du sourd-muet, Jésus mène un multiple combat. Il va le faire dans la plus grande discrétion et non sans soupirer, tant la tâche semble immense. D’abord contre le mal physique et probablement psychologique, la surdité et le mutisme étant des obstacles majeurs dans la communication ; puis dans un combat socioreligieux pour cette foule qui veut s’approprier sa propre personne pour en faire un Messie de puissance, à son idée ; enfin, dans un combat spirituel, pour que l’homme s’ouvre à l’écoute de la Parole et puisse l’annoncer. « Ouvre-toi ! - Effata ! » (C’est de l’araméen et cela signifie également : “libère-toi” : nous retrouvons cette racine en arabe, dans le terme « Fatah », mouvement de libération de la Palestine)
« Ouvre-toi ! » Il faut nécessairement écouter pour pouvoir parler : « Ses oreilles s’ouvrirent ; aussitôt sa langue se délia et il parlait correctement » (orthos = pas simplement phonétiquement, mais pour dire des choses orthodoxes, selon la vérité de Dieu). Il nous faut donc d’abord être un bon “récepteur” pour être ensuite un bon “émetteur”. « Ouvre-toi ! »
- Applique-toi à écouter, en essayant de comprendre, surtout si cela te surprend : ne transforme pas ce que l’on te dit ; pour cela, sois attentif et vraiment donné à l’autre, qu’il soit ton frère ou ton Dieu.
- Quel est ton champ d’écoute ? D’abord ta famille, les « familiers » que tu risques de classer assez vite dans : « Je sais ! J’ai déjà entendu ! Tu radotes ! » Puis ton voisinage, tes collègues ou camarades d’école, tes amis « à qui tu veux du bien » mais dont tu te fais parfois des personnages à ton idée. Sais-tu te laisser surprendre lorsqu’ils changent ou évoluent ?
- Ton champ d’écoute, il est aussi dans le silence parfois difficile de la prière, mais où Dieu est présent et tout particulièrement lorsque tu Le cherches et « étudies » sa Parole.
« Ouvre-toi ! Effata ! » Accueillons cette parole du Sauveur comme un appel pressant. « Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu ! », proclamait Isaïe.
AMEN !