Homélie : « Toi mon enfant... ! »
L'enfant prodigue (Lc 15, 1-12)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Le Père prodigue
Quel est ce père qui accepte de donner son héritage à un fils qui veut le quitter et qui sans doute ne reviendra jamais ? D’habitude, un héritage, cela se reçoit quand le père est mort ! Mais ici, il est bien vivant !
Quel est ce père qui longtemps guette le retour de ce fils égoïste et ingrat pour se jeter à son cou, au lieu de lui poser mille questions sur les raisons de son retour ?
Quel est ce père qui revêt ce fils d’un habit de fête, lui donne l’anneau à la main (qui équivaut à l’époque à la signature de son compte en banque) ; puis qui fait tuer le veau gras pour festoyer avec toute la maisonnée au lieu de le mettre à l’épreuve et de lui faire expier sa faute ?
Ce père a deux fils, qui l’un comme l’autre n’ont guère de véritable amour pour lui. Le cadet égoïste et jouisseur, l’ainé, servile, n’ayant avec son père qu’une relation de donnant donnant.
Que va-t-il faire ? Leur apprendre la vraie liberté.
Au cadet, il laisse faire son expérience mais l’attend. Lorsqu’il revient, il est saisi aux entrailles et le rétablit comme fils dans ses droits : ce pardon ouvre la porte de la vie, fait entrer dans le mystère de l’amour total. Le cadet devient libre, parce qu’il fait l’expérience de la gratuité de l’amour, le passage de la mort à la vie : « Mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ! »
Au fils ainé, le père manifeste tout autant sa tendresse : il sort à sa rencontre, il veut le délivrer de son attitude servile et utilitaire qui lui vaut de revendiquer des droits, mais aussi, d’être effroyablement jaloux, coléreux et enfermé sur lui-même : « Toi mon enfant, tu es toujours avec moi ! Et tout ce qui est à moi est à toi ! »
Ce père incroyable, c’est Dieu Lui-même. C’est Jésus, son Fils qui nous en parle parce que seul Lui Le connaît bien.
Il nous le présente ainsi parce que dans notre cœur ou dans notre tête, nous avons bien souvent des images de Dieu à la ressemblance de ce que nous voyons chez les hommes. Dieu nous « juge » ; Dieu nous « punit ». Ce sont des images fausses du Dieu de Jésus. Ce n’est pas compliqué : Dieu est comme Jésus. D’ailleurs, un jour, un de ses disciples, Philippe, lui demande : « Montre-nous le Père et cela nous suffit ! – Jésus lui dit : « Il y a si longtemps que Je suis avec vous et tu ne me connais pas, Philippe ? Celui qui m’a vu a vu le Père… » (Jn 14, 8-9).
Ce Dieu, à l’image de ce père prodigue, rend à chacun dignité et liberté : par sa parole, par son regard, son émotion. Il l’exprime par son Fils « qui est sorti » pour nous faire entrer dans sa maison, réconciliés avec nous-mêmes et avec nos frères.
Qui ne se retrouvera pas, peu ou prou, dans ces portraits de fils ? L’un apparemment vertueux, fidèle mais à l’étroit, aliéné. L’autre, tout autant aliéné, égoïste, jouisseur, se perdant dans ses désirs jamais satisfaits.
« Toi mon enfant… ! » Répondons à cet appel pressant et affectueux ; retrouvons la joie d’ouvrir nos cœurs pour entrer dans un amour gratuit et sans mesure, à l’image de celui de notre Père et de son Fils, pour « être toujours avec eux ».
AMEN !