Homélie : C'est lui le grand prophète...
La multiplication des pains et des poissons (Jn 6, 1-15)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
A la vue du prodige de la multiplication des pains, les gens disaient : « C'est vraiment Lui le Grand Prophète, celui qui vient dans le monde » Qui donc était ce Grand Prophète tant attendu par les fils d'Israël ?
Avant de mourir, Moïse n'avait-il pas annoncé : « Le Seigneur ton Dieu suscitera pour toi, du milieu de toi parmi tes frères, un prophète comme moi que vous écouterez » Dt 18,15. Et voilà que l'histoire se reproduisait :
- comme dans le désert, une foule affamée que Dieu nourrit de la Manne ;
- comme du temps d'Elisée, où une grande famine sévissait et où le peuple mangea et il en resta !
Dieu veille « il donne la nourriture en temps voulu » (Ps 144, de ce jour) et « conduit son peuple sur de verts pâturages » (Ps 22, de dimanche dernier) : n'y avait-il pas beaucoup d'herbe à cet endroit-là ?
Jésus devine alors qu'ils veulent en faire leur roi : « Il se retira, tout seul [comme Moïse] dans la montagne ».
Pourquoi cette fuite ? Parce qu'ils se trompent de prophète et au-delà, ils se trompent de Dieu.
Combien de gens aujourd'hui disent que cela ne sert à rien, n'ajoute rien, de croire en Dieu, puisqu'Il n'intervient pas, ne se manifeste pas ; qu'Il est même parfois dramatiquement absent !... si tant est qu'Il existe ! Ceux-là en ont fait la cruelle expérience, qui voulaient mettre Dieu de leur côté : « Gott mit uns », sur le ceinturon des soldats allemands. Et par moments, lorsque les épreuves sont dures et successives, on peut les comprendre et surtout, ne pas les juger.
Mais Dieu ne "sert" à rien !
En leur échappant, Jésus veut les inviter (et nous inviter) à découvrir qui est Dieu et quel est son prophète. S'effacer après avoir nourri tant de gens, vraiment, c'est ne pas rechercher la gloire ! Il va les mettre en appétit d'autre chose.
Vous avez remarqué que le geste qu'Il a fait avant de donner les pains et les poissons rappelle bien sûr celui de la consécration eucharistique : prendre les pains, rendre grâce et leur donner pour qu'ils mangent et en soient rassasiés.
Manger : "faire corps" avec nous. Voilà un trait de ce Dieu qui veut être si proche de nous, si intime, qu'Il se livre totalement jusqu'à être en nous : un vrai mystère que nous n'avons pas fini de comprendre.
Mais Paul va plus loin encore. Dans sa lettre aux Ephésiens, que nous avons entendue aujourd'hui, il donne un éclairage sur ce désir de Jésus. Il n'y a en effet qu'un seul Corps et un seul Esprit. Le grand désir de Dieu ne se manifeste-t-il pas dans l'appel qu'Il nous adresse en nous rapprochant les uns des autres même s'il faut, et c'est bien naturel, « nous supporter les uns les autres avec beaucoup d'humilité, de douceur, de patience » j'ajoute d'accueil, de recherche de comprendre ceux qui nous sont différents et surtout, de refus de juger, de poser un verdict sur quelqu'un. Comprenez bien : ce n'est pas seulement une attitude de vie morale, c'est théologal : c'est répondre à l'appel de Dieu à garder l'unité dans l'Esprit. Jésus ajoutera plus tard, à la veille de sa mort : « Afin que le monde croit ».
Quelle joie de pouvoir faire comprendre à ceux qui ont faim de toutes sortes de biens, qu'ils peuvent être rassasiés en « faisant corps » avec Celui qui nous donne son Esprit et nous permet de nous aimer en vérité, évitant d'avoir encore et toujours faim de nourritures qui ne rassasient pas.
Il faut que nous, qui désirons être ses disciples, nous le recherchions, non sans efforts, mais combien comblés lorsque l'unité se réalise dans le respect et l'accueil de chacun.
Que cette eucharistie nous aide encore à « faire corps » avec le Grand Prophète, bien plus que prophète, Notre Dieu, qui nous conduit à la vraie vie : écoutons-le !
AMEN !