Homélie : « Venez à l’écart vous reposer un peu… »

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Pour beaucoup de nos contemporains, mais aussi nombre d'entre nous, après une année bien souvent chargée en raison de notre travail, de nos tâches éducatives ou pastorales, les vacances arrivent comme un temps indispensable pour souffler un peu et rompre le rythme exigeant de notre quotidien. La Parole de l'Evangile de ce 16ème dimanche du Temps Ordinaire résonne comme une belle approbation du Seigneur Jésus pour vivre ce temps de repos acquis pour tous il y a 76 ans, avec l'avènement des congés payés (accords de Matignon 1936).
L'Ecclésiaste dit qu'il y a un temps pour chaque chose : un temps pour travailler et un temps pour se reposer, mais au-delà de cette nécessité humaine élémentaire, quel sens Dieu donne-t-Il au repos ?
Dieu se préoccupe d'abord de son peuple fatigué par sa quête de nourriture pour calmer toutes sortes de faims : Il le conduit sur de verts pâturages. « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur de frais herbages Il me fait reposer, près des eaux du repos il me mène, Il y refait mon âme ». Ps 23. Mais Dieu ne garantit pas seulement le repos à son peuple : il l'étend aussi à tous les serviteurs et esclaves. Il commande le repos du 7ème jour : Il institue le shabbat et sacralise le rythme de la semaine. Ce Repos du shabbat revêt une double signification.
La première est de manifester le respect de tout être humain et même de tout vivant qui n'est pas réduit à une machine à servir ou à produire. « Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage, mais le 7ème jour est un shabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n'y feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne ni aucune de tes bêtes, ni l'étranger qui est dans tes portes. Ainsi, comme toi-même, ton serviteur et ta servante pourront se reposer ». (Deutéronome 5, 13-14)
La seconde est l'invitation à imiter Dieu Lui-même : « Car en 6 jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour, c'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du shabbat et l'a consacré ». Exode 20, 11. Le shabbat devient alors le jour privilégié de la rencontre avec Dieu qui nous sanctifie.
Jésus, en guérissant beaucoup de malades, infirmes, possédés, le jour du shabbat, se révèle le maître du shabbat, venu apporter sa puissance libératrice. Il manifeste la plus grande compassion de Dieu son Père pour ses créatures. Il s'attire assez vite l'hostilité des gardiens de la Loi qui ont détourné l'esprit du shabbat : « Le shabbat est fait pour l'homme et non l'homme pour le shabbat » Mc 2, 27. Loin de l'abolir, Jésus lui redonne son sens et reste fidèle au commandement de son Père pour en trouver les délices. « Et si tu t'abstiens de violer le shabbat, de vaquer à tes affaires en mon jour saint, si tu appelles le shabbat "délices" et "vénérable" le jour saint du Seigneur, si tu l'honores en t'abstenant de voyager, de traiter tes affaires et de tenir des discours, alors tu trouveras tes délices dans le Seigneur... » (Isaïe 58,13-14).
Le repos de Dieu n'est pas seulement la cessation d'une activité, l'arrêt d'un travail : Il est aussi la libération des soucis, des inquiétudes et même des détresses que l'on peut éprouver : toutes les personnes en responsabilité aspirent à ces moments de soulagement, de répit, de rafraîchissement ou de réconfort. Jésus lui-même invite à venir à Lui : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est doux, et mon fardeau léger » (Mt 11,28-30).
Ce repos annonce celui donné au terme d'une vie laborieuse consacrée au Seigneur et aux autres. Le prophète Daniel l'annonçait : « Pour toi, va, prends ton repos ; et tu te lèveras pour ta part à la fin des jours. » (Daniel 12,13). Le dernier livre de la Révélation, l'Apocalypse, le proclame : « Puis j'entendis une voix me dire, du ciel : "Écris : Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur; dès maintenant."- "Oui" dit l'Esprit "Qu'ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent. » (Apocalypse 14,13).
Nos vacances sont un temps de re-création où notre corps retrouve sa vraie place, où notre cœur bat plus fort à l'unisson de ceux qui nous entourent et où nous donnons un espace plus large à Celui qui veut "reposer en nous". Ne nous invite-t-Il pas aussi à nous "reposer en Lui" ?
« Si le Seigneur ne bâtit la maison,
En vain les maçons peinent ;
Si le Seigneur ne garde la ville,
En vain la garde veille.
En vain tu avances ton lever,
En vain tu retardes ton coucher,
Mangeant le pain des douleurs,
Quand Il comble son bien-aimé qui dort. »
Psaume 126, 1-2
AMEN !