Homélie : Les neuf autres sont guéris, mais sont-ils sauvés ?
Guérison de dix lépreux (Lc 17, 11-19)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Pourquoi donc Jésus semble étonné, voire déçu qu’un seul des dix lépreux revienne à Lui ? Ne leur a-t-Il pas Lui-même enjoint d’aller se montrer aux prêtres du Temple de Jérusalem pour faire constater leur guérison selon ce qui était prescrit dans la loi de Moïse (Lv 14,2 et svs), afin de réintégrer la communauté dont leur lèpre les avait exclus ? Il devrait plutôt admirer leur foi, car les dix qui Lui avaient demandé « à distance » de les purifier Lui ont aussitôt obéi et ce n’est qu’en chemin qu’ils ont effectivement été guéris. Alors, que leur reproche-t-Il ?
Il leur reproche justement ce que le Samaritain, cet étranger, lui, a su comprendre. Lorsqu’il s’est vu guéri, au lieu de continuer comme les neuf autres, membres à part entière du peuple de Dieu, de se rendre docilement vers le Temple pour se mettre en règle vis à vis de la Loi, lui, le Samaritain, l’étranger, ne faisant pas partie du peuple de Dieu authentique, revient sur ses pas ; il veut retrouver Celui qui est à l’origine de sa guérison et de sa réintégration sociale, car il sent bien que c’est un double salut qui lui a été donné, et cela ne peut venir que de Dieu. C’est pourquoi, sans aucun complexe, il retourne vers Jésus en glorifiant Dieu à pleine voix (phonès mégalès ! Pas besoin de sono !) Et arrivé auprès de Jésus, que fait-il ? Il se jette la face contre terre aux pieds de Jésus en Lui rendant grâce : cette attitude, ces gestes de « latrie » (adoration) sont réservés à Dieu seul. C’est un tout nouvel acte de foi qu’il exprime et il anticipe ce que les disciples confesseront à leur tour, mais seulement après la mort et la Résurrection de leur Maître.
Devant cette démarche d’un étranger, croyant à ce point, (comme avec le centurion païen dans un autre passage de l’Évangile Lc 7, 1-10), Jésus s’étonne et admire, tout en regrettant qu’il ne trouve pas plus de foi en Israël, auprès de son peuple.
En guérissant les 10 lépreux, Jésus manifeste la puissance de l’amour de Dieu son Père qui guérit. En langage de Rugby, ces guérisons marquent un bel « essai ». Mais avec le Samaritain, Jésus voit son « essai » transformé ! Car toute la mission de Jésus consiste à sauver les hommes, pas seulement à les guérir ; les guérisons qu’Il opère n’ont leur plein accomplissement que lorsqu’elles conduisent à reconnaître combien Dieu nous aime, c’est à dire à chanter ses louanges, à Lui rendre grâce. Dieu et l’homme sont alors en pleine communion dans un bonheur immense, fait de reconnaissance et de don d’amour encore plus fort. « Va, ta foi ta sauvé ! » Les autres aussi sont guéris, mais sont-ils sauvés ? La guérison du Samaritain est bien plus profonde car elle fait entrer dans une relation spirituelle d’amour avec Dieu qui durera toujours et c’est cela le salut.
Pour finir, avez-vous remarqué comment St Luc raconte cet évènement ?
- Le lépreux a imploré avec ses frères de malheur la pitié de Jésus (en grec eleïson).
- Puis, guéri, il chante la gloire de Dieu.
- Devant Jésus, il remercie (en grec eucharistein).
- Et enfin, Jésus le renvoie : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ».
N’est-ce pas ce que nous vivons tout au long la Messe ?
AMEN !