Homélie : Comment pratiquer la correction fraternelle ?
Gagner le frère qui a péché (Mt 18, 15-20)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
« Correction fraternelle… »
Dans ce très bel Évangile, il est question de la correction fraternelle. A vrai dire, pour ceux qui ont essayé de la pratiquer, elle est une démarche particulièrement risquée et les conseils de St Matthieu nous sont bien précieux, à condition de bien les comprendre, car ils peuvent à première écoute, rebuter voire scandaliser.
Ce qui peut gêner :
- C’est de se faire juge du comportement de son frère et la parole du Christ résonne à notre conscience : « Ne jugez pas, afin de n'être pas jugés… Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère ? Et la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ! Ou bien comment vas-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter la paille de ton œil, et voilà que la poutre est dans ton œil ! Hypocrite, ôte d'abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour ôter la paille de l’œil de ton frère. » Mt 7, 3-4 Et de nous dire : « Qui sommes-nous pour faire cette démarche ? »
- C’est aussi d’en parler à d’autres : il y a là comme un relent de dénonciation ou de commérage !
- C’est enfin, la phrase de Jésus : « Qu'il soit pour toi comme le païen et le publicain. » Ne laisse-t-elle pas carrément penser à une exclusion, ce qui n’est jamais très agréable !
Que répondre à tout cela ?
Lorsque Jésus demande de ne pas juger, Il dénonce l’attitude qui consiste à cataloguer quelqu’un et à porter un verdict sur lui. Jésus a bien jugé, mais non les personnes (même si parfois elles se font traiter d’hypocrites, de serpents ou d’engeance de vipères : Mt 12, 34 ; 23, 33…). Par contre, Il demande plusieurs fois de discerner, d’examiner (Lc 14, 28), d’être avisés (comme l’homme qui construit sa maison sur le roc ou comme le serpent, ou comme les vierges sages…).
Quant à parler avec d’autres du mauvais comportement de quelqu’un, tout dépend dans quelle intention cela se fait : je peux me tromper ou exagérer ; puisque l’autre nie, je dois m’assurer que mon discernement est bon et j’en réfère à un autre frère ou en cas de nouvel échec, à la communauté toute entière. Tout doit se faire dans le respect et l’amour d’un frère pour qu’il se détourne d’une voie qui le conduit au malheur.
« Qu'il soit pour toi comme le païen et le publicain. », c’est loin d’être une excommunication, car Jésus, bien souvent, admire les païens comme la Cananéenne ou le Centurion… et mange chez les publicains : Il en a choisi même un comme Apôtre, Matthieu.
Que nous dit le Seigneur par la voix du prophète Ézéchiel que nous avons entendu en première lecture ? « Si je dis au méchant : " Méchant, tu vas mourir ", et que tu ne parles pas pour avertir le méchant d'abandonner sa conduite, lui, le méchant, mourra de sa faute, mais c'est à toi que je demanderai compte de son sang. » Ez 33, 8. Cette Parole du Seigneur nous rend solidaire du pécheur et nous oblige à ne pas prendre notre parti de sa mauvaise conduite. Mais elle pourrait nous conduire à une culpabilité très grande si le pécheur ne veut pas à y renoncer. Jésus s’adresse donc à tous ceux qui ont humblement essayé de détourner le pécheur de sa conduite mauvaise : Il veut les délier de toute responsabilité vis à vis du pécheur qui s’obstine pour qu’ils ne portent pas, en plus de la peine qu’ils ressentent de son refus à se convertir, une culpabilité qui les blesserait ou même les paralyserait.
Les païens et les publicains n’étaient plus sous le régime de l’Alliance des Fils d’Israël. Ceux-ci ne devaient donc pas avoir de contact avec eux et ils les méprisaient copieusement !
Jésus invite donc à ne plus être solidaire avec le pécheur qui s‘obstine, comme il avait recommandé aux disciples de secouer la poussière de leurs sandales là où les gens n’avaient pas reçu de leur part la Bonne Nouvelle en son Nom.
Que le Seigneur nous aide à être humblement solidaires avec un frère que nous pensons être en danger et à oser le trouver, après discernement et prière à l’Esprit Saint, esprit d’amour et de respect. Que nous découvrions qu’ensemble nous sommes solidaires avec Dieu-même qui prend au sérieux nos décisions car Il nous a donné le pouvoir de lier et délier.
AMEN !