Homélie : Privilégier l'un ou l'autre commandement ?
Le grand commandement (Mt 22, 34-40)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
« Quel est le grand commandement ? »
« Tu aimeras… »
Encore une fois, les pharisiens et les spécialistes de la Loi veulent déstabiliser Jésus en le mettant à l’épreuve.
“ Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? “ Autrement dit, la Loi de Moïse opposerait-elle l’amour de Dieu à l’amour de l’homme, en instaurant une rivalité entre l’un et l’autre ? Or il se trouve précisément que, dans la grande tradition d’interprétation rabbinique, il n’est évidemment pas question de négliger ou à l’inverse de préférer tel ou tel commandement de la Loi. Il est même important de lire l’ensemble des prescriptions de Moïse en tenant compte du fait que chacune d’entre elles est de grande valeur et doit faire l’objet d’une attention toute particulière.
Le piège tendu est donc celui de la tentation de prendre le risque de privilégier un commandement par rapport à un autre, ce qui ne prendrait pas en considération l’ensemble de la Loi.
Jésus répond d’abord en citant des versets de la Loi connus de ses interlocuteurs. Et dans le choix des citations, il opère un rapprochement articulé autour du verbe “aimer” : “Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ton intelligence” (Dt 6, 5) et puis : “ Tu aimeras ton prochain comme toi-même. ” (Lv 19, 18). Pour Jésus, l’option est de s’en tenir à cette règle d’interprétation qui va à l’essentiel de la Loi : là où ne se vit pas l’exigence d’aimer Dieu et d’aimer son prochain en même temps, là n’est pas réalisé le commandement de la Loi.
Mais qu’est-ce qu’aimer ?
Dans son Encyclique « Dieu est Amour”, §.3, Benoît XVI présente trois mots qu’utilise la Bible pour parler de l’amour.
“Eros”, que seul utilise deux fois l’Ancien Testament. Il désigne le désir qui attire et donne le plaisir, avant-goût du bonheur définitif auprès de Dieu. Il convient de le discipliner, de le purifier pour le conduire à sa vraie grandeur qui est union harmonieuse entre le corps et l’esprit, mais aussi communion avec l’autre, et non seule satisfaction de ses instincts.
“Philia”, qui concerne l’amour d’amitié et qui est utilisé et approfondi dans l’Évangile de Jean pour exprimer le rapport de Jésus avec ses disciples.
“Agapè”, qui est découverte de l’autre, dépassant le caractère égoïste et possessif, cherchant son profit et non le soin et le bien de l’être aimé. Il donne, au prix de renoncements, mais aussi sait recevoir de l’autre. Il remplit de joie simple et conduit au bonheur paisible.
Aimer Dieu et aimer son prochain ne sont jamais en rivalité puisque tous deux ont leur source en Dieu Lui-même. Il est Amour (1 Jn 4, 7). C’est Lui, comme le rappelait la 1ère Lecture, qui aime l’étranger, la veuve et l’orphelin et qui me demande de les aimer et de l’aimer, Lui, comme Lui-même les aime. Ou encore, de l’aimer comme moi-même, c'est-à-dire, de m’identifier au prochain, de l’aimer comme si c’était moi. Toute la Parole de Dieu contenue dans l’Écriture dépend de ces deux commandements. Ils sont, chez ceux qui aiment en vérité, la signature de la présence de Dieu.
Quelques temps plus tard, au cours de sa Passion, Jésus va mettre en pratique ce double commandement de l’amour. Avec l’Esprit-Saint qu’Il nous a donné, jamais sans Lui, suivons-le sans crainte.
AMEN !