Homélie : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde »
La rencontre de Jésus et de Jean-Baptiste (Jn 1, 29-34)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Nous avons l’habitude d’entendre cette invitation que le célébrant prononce lorsqu’il présente l’Hostie, Pain de vie, avant la Communion. Mais avons-nous bien réalisé ce qu’elle veut dire ?
N’est-ce pas étonnant d’ailleurs que Jean-Baptiste désigne son cousin, qui vient vers lui, comme un agneau ? Que pouvait bien comprendre les gens à qui il s’adressait ?
Ils comprenaient très bien, mais à mon avis, ils ne comprenaient pas forcément ce que nous pouvons comprendre aujourd’hui et pourquoi ?
En araméen, la langue dans laquelle il s’exprimait, qui est proche de l’hébreu, agneau se dit : “talya” mais il signifie : “jeune homme” (et soit dit en passant, au féminin, “jeune fille” se dit “talitha” ! Cela ne vous rappelle rien ? Dans l’Evangile de Marc, c’est ainsi que Jésus s’adresse à la fille de Jaïre, chef de la synagogue de Capharnaüm, en lui prenant la main et en lui disant alors qu’elle est morte : « Talitha koum », jeune fille, lève-toi ! (Mc 5, 41).
Une autre traduction peut être donnée au mot “talya” : celle de “serviteur”. Si bien que les auditeurs de Jean-Baptiste ont très bien pu comprendre qu’il désignait Jésus comme le Serviteur de Dieu qui était annoncé par les prophètes. Mais alors pourquoi l’Évangile, qui est écrit en grec, a choisi le mot “Agneau,” “amno” ?
A quoi l’Agneau nous fait-il penser ?
A Abraham, lorsque Dieu lui demande de sacrifier son fils unique Isaac et que celui-ci, lui obéissant, lui demande : « “Voici le feu et les bûches ; où est l’agneau pour l’holocauste ?” Abraham répondit : “Dieu saura voir l’agneau pour l’holocauste, mon fils“ Tous deux continuèrent à aller ensemble. » (Gn 22, 7-8)
Sans doute, pensez-vous à l’Agneau pascal, symbole de la rédemption d’Israël, consommé “la ceinture aux reins, les sandales aux pieds et le bâton à la main”, (Ex 12,11) prêts à partir pour l’Exode (Ex 12,1-28 ; 1 Co 5,7) !
Peut-être aussi au “Serviteur souffrant” présenté par Isaïe, dans la 1ère lecture et dont la vocation est “de relever les tribus de Jacob et ramener les rescapés d’Israël… d’être la lumière des nations pour que le salut parvienne aux extrémités de la terre” : c’est lui, dont dira plus loin Isaïe, qui assume les péchés de la multitude (Is 53,12) et qui, innocent, s’offre comme un agneau (Is 53,7).
Enfin, on peut penser à l’Apocalypse, qui présente un Agneau immolé et vainqueur devant lequel se prosternent les 24 vieillards (Ap 5,6.12).
L’évangéliste a sans doute relu l’événement de la rencontre de Jésus avec Jean-Baptiste à la lumière de Pâques. Ce Jésus serviteur, c’est bien le même qui s’offrira à Pâques comme l’Agneau en holocauste pour les péchés du monde et se lèvera, vainqueur du mal et de la mort, au matin de Pâques, entraînant avec Lui tous ceux qui veulent vivre comme lui.
Et comment aujourd’hui, ne pas penser aussi à ces agneaux innocents qui, à cause de leur fidélité au Christ, sont égorgés dans le monde ?
Quand à la messe, au moment d’aller communier, le prêtre présentera l’Hostie, Pain de vie et le Calice, sang du Christ, et dira : « Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde » faites mémoire de toutes ces images qui nous disent à quel point nous sommes aimés, sauvés par Celui qui, comme un agneau, a donné sa vie et qui nous invite à le suivre pour devenir, communions après communions, de vraies filles et fils de Dieu.
Amen !