Homélie : « Heureux les pauvres de cœur … »
Les Béatitudes (Mt 5, 1-12a)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
La première béatitude dans l’Évangile de St Matthieu peut se traduire, en étant fidèle au texte original : « Heureux les pauvres par l’esprit (ou en esprit) ». Respectant la culture biblique de son peuple, André Chouraqui l’a traduite ainsi : « En marche, les humiliés du souffle ! ». Effectivement, lorsque, l’on retrouve l’expression « heureux ! » dans la Bible, cela équivaut à dire : « Bravo ! Félicitations ! Tu as tout compris : continue ta marche dans ce sens ! ». Quant au souffle, il s’agit bien de lui : en grec « Pneuma ». Cœur en grec « Cardia » désigne plutôt le lieu où l’homme mûrit ses décisions, bonnes ou mauvaises, et prend les moyens et le courage de les mettre en œuvre.
Cette première béatitude, qui résume toutes les autres, désigne celui qui est pauvre de souffle, autrement dit celui qui ne se gonfle pas d’orgueil, qui n’est pas rempli seulement de lui-même et qui laisse ainsi de la place pour les autres et pour Dieu. Elle est synonyme d’humilité. Elle s’apparente à l’esprit d’enfance (et non infantile !), qui seul permet d’entrer dans le Royaume des cieux. C’est la réponse à la question que donne Jésus à ses disciples plaçant un petit enfant au milieu d’eux : « Qui donc est le plus grand dans le Royaume des cieux ? » (Mt 18,1-4).
« Cherchez la justice, cherchez l’humilité ! » proclamait le prophète Sophonie, auteur du “Dies irae” - Jour de colère - (So 1,15) annonçant à ses contemporains la venue du Grand Jour. Deux bonnes raisons de chercher à être humble.
La première, c’est qu’elle permet l’écoute, l’ouverture, l’accueil ; elle donne la place à l’autre et le fait exister un peu plus. Elle ne s’impose pas, ne contraint pas, ne violente pas. Elle laisse libre toutes les capacités de relation car, bien que très présent, l’humble s’efface devant celui qui a besoin d’être entendu quel qu’il soit.
La seconde, c’est que l’humble est tout réceptif à Dieu. Si bien que Dieu peut faire en lui de grandes choses. Nous connaissons les humbles de Dieu : Marie, bien sûr : « Voici la servante du seigneur : qu’il me soit fait selon sa parole » (Lc 1,38) ; Jean-Baptiste : « Il faut qu’Il croisse et que je diminue » (Jn 3,30). Et évidemment Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11,28-29). Ne s’identifie-t-il pas à ceux qui ont faim, soif, froid ? Aux malades, aux prisonniers même ? (Mt 25,45). C’est de cette façon qu’Il se présente à son peuple pour la dernière fois aux Rameaux : « Voici que ton Roi vient à toi ; humble, il monte une ânesse, et un ânon, petit d'une bête de somme » (Mt 21,5).
Paul a bien compris l’attitude profonde de son maître et Seigneur et, sachant d’où il venait, il a pris conscience que seul Dieu donnait “la sagesse, la justice, la sanctification et la rédemption” (1Co 1,30). C’est une vraie révolution qu’il faut opérer à l’encontre de ce que le monde nous enseigne et nous montre : la puissance, puissance des forts, des riches, des orgueilleux qui est pourtant fragile et sera fatalement détruite, non sans avoir fait souvent bien des victimes et des dégâts, mystère de notre liberté.
Recherchons donc l’humilité sans laquelle il ne peut y avoir de vie fraternelle. Nos communautés familiale, paroissiale, urbaine ou villageoise, nationale en ont bien besoin. Soyons particulièrement attentifs aux membres qui nous paraissent plus faibles “mais que Dieu choisit pour confondre ce qui est fort”.
AMEN !