Homélie : Conformément aux Ecritures…
Les Vendeurs chassés du Temple (Jn 2, 13-25)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Une colère de Jésus ! Une sainte colère qui justifierait nos colères ? Quel sens lui donner ? Déception ? Dépit ? Irascibilité ? Tristesse immense ?
Elle est d’abord un geste prophétique comme le rappelle l’Évangile de Jean Lui-même.
Jérémie 7, 11 « A vos yeux, est-ce un repaire de brigands, ce Temple qui porte mon nom ? Moi, en tout cas, je vois clair, oracle de Yahvé ! »
Zacharie 14, 21 : « … et il n'y aura plus de marchand dans la maison de Yahvé Sabaot, en ce jour-là. » Finale du livre du prophète Zacharie.
Psaume 69, 8 : « C'est pour toi que je souffre l'insulte, que la honte me couvre le visage, 9 que je suis un étranger pour mes frères, un inconnu pour les fils de ma mère ; 10 car le zèle de ta maison me dévore, l'insulte de tes insulteurs tombe sur moi. »
Jésus pose des gestes annoncés dans l’Écriture quelques siècles avant lui. Cette réalisation des prophéties va permettre aux disciples de croire à un autre signe, que seule la foi peut reconnaître comme signe, car il n’est pas visible : c’est la résurrection de Jésus.
Jésus l’annonce de façon énigmatique : Jn 2, 19 : « Jésus leur répondit : "Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai ». v.21 (egeirô) « Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. »
Il y a en effet un jeu de mot qui n’apparaît pas dans le texte en français, mais dans l’original grec : v.22 : « Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts… » Se dit mot à mot : « Aussi, quand il fut relevé d'entre les morts… » .
Jésus non seulement accomplit les prophéties qui annonçaient le Messie, mais il donne de son vivant une prophétie qu’Il accomplit Lui-même. En cela, Il rend digne de foi l’Écriture et Lui-même se révèle digne de foi.
Cependant, il ne s’agit pas ici d’une démonstration au terme de laquelle nous devrions adhérer sans hésitation : la réalisation des prophéties confirme le sérieux de l’Écriture et la solidité des paroles dites. Mais elles ne constituent pas une preuve, car les prophéties sont toujours sujettes à interprétation pour laisser le champ à la liberté de chacun d’accueillir ou de refuser celui qui professe ces paroles. Il est intéressant de constater que, malgré toutes les prophéties qui annoncent le Messie, beaucoup de juifs n’ont pas cru.
La résurrection de Jésus n’est pas une preuve. Elle n’est pas publique. La croix de Jésus est publique, visible, historique et personne ne la nie. Sa résurrection, elle, n’est donnée qu’à des témoins, certes dignes de foi et dont la plupart donnera leur vie pour en témoigner, mais elle échappe au constat de l’histoire. Seuls les témoins sont bien historiques. Le nouveau sanctuaire dont parle Jésus est relevé dans l’invisibilité de Dieu. Nous pouvons et nous avons à annoncer un “messie crucifié”, qui dit au monde entier à quel point nos conduites par pensées, par paroles, par actions et par omissions sont meurtrières, folles et dérisoires. Mais pour ceux qui ouvrent leur cœur et leur intelligence à la foi en ce Dieu d’amour, ce relèvement de Jésus, sa résurrection, illumine notre condition humaine blessée par la mort pour nous faire entrer dans un monde renouvelé par son amour et le don de Lui-même.
Voilà qui justifie la sainte colère de Jésus contre tous les trafics qui bornent notre horizon aux affaires de ce monde et occultent l’espérance de la vie nouvelle. Inaugurée par Jésus, elle est fondée dès maintenant sur tout geste d’amour fait en pensée, en parole, en action et en omission, se retenir de blesser quelqu’un par une parole, par exemple !
AMEN !