Homélie : Ils regarderont vers celui qu’ils ont transpercé
Le serpent d'airain (Jn 3, 14-21)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Au début de cet Évangile, Jésus fait allusion à un épisode dramatique de l’Exode dans le désert du Sinaï. Les hébreux sont assaillis par des serpents venimeux dont la morsure était fatale. Ils sont convaincus d’avoir péché contre Dieu en récriminant contre Lui, qui pourtant était déjà venu à plusieurs reprises à leur secours. « Le peuple vint trouver Moïse en disant : “ Nous avons péché en critiquant le Seigneur et en te critiquant ; intercède auprès du Seigneur pour qu’Il éloigne de nous les serpents ! ” Moïse intercéda pour le peuple et le Seigneur lui dit : “ Fais faire un serpent brûlant [c'est-à-dire venimeux] et fixe-le sur une hampe : quiconque aura été mordu et le regardera aura la vie sauve. Moïse fit un serpent d’airain et le fixa sur la hampe ; et lorsqu’un serpent mordait un homme, celui-ci regardait le serpent d’airain et avait la voie sauve ” (Nb 21, 7-9).
On serait tenté de croire à de la magie ! Bien sûr que non, la Bible n’a de cesse que de dénoncer le mensonge des pratiques magiques. Ce n’est en aucun cas le serpent qui sauve par lui-même, mais c’est de faire confiance et de donner sa foi en Dieu qui a dit de regarder cette image qui sauve de la mort.
Au moment de la crucifixion de Jésus, Jean écrit : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Il cite une phrase du prophète Zacharie qui dit en quoi le fait de regarder un supplicié apporte une transformation. « Ce jour-là, je répandrai sur la maison de David et sur l’habitant de Jérusalem, un esprit de bonne volonté et de supplication. Alors ils regarderont vers moi, celui qu’ils ont transpercé » (Za 12, 10). Jésus fait allusion à cette prophétie et le salut viendra pour l’homme qui le regardera élevé de terre, c'est-à-dire cloué sur la croix. Non pas pour voir un homme supplicié qui meurt dans des souffrances atroces alors qu’Il est totalement innocent, mais pour reconnaître, remercier, adorer ce Dieu qui se donne à lui jusqu’au bout renonçant à sa toute-puissance divine et manifestant un amour sans limite, jusqu’à pardonner à ses ennemis et ses bourreaux.
Comment regardons-nous la croix du Christ ? Comme un objet tellement familier qu’on n’y fait plus attention ? Comme quelque chose de repoussant, morbide, « scandale pour les juifs, folie pour les païens » ? Comme la plus belle preuve de l’amour de Dieu qui ne triche pas avec la condition humaine broyée par le mal et la souffrance et qui la partage avec nous ?
Envers ce Dieu si donné, si bon, si pacifique, si bienveillant, qui pourrait avoir peur ? Bien au contraire, se fier entièrement à Lui pour qu’il nous conduise vers ce qui « est bon, conforme à la voie que Dieu a tracé pour nous » écrivait St Paul aux Éphésiens. (Ep 2, 9). Ainsi, nous ne périrons pas mais « obtiendrons la vie éternelle » Jn 3, 16.
AMEN !