Homélie : « Je suis venu dans ce monde, ton monde, pour rendre témoignage à la vérité… »
Comparution de Jésus devant Pilate (Jn 18, 33-37)

Cette homélie a été prononcée par le
Père Guy Lecourt, prêtre du diocèse de Versailles
Un roi étonnant, alors même qu’il comparait devant le représentant de l’immense empire romain, Pilate, qui a sur lui pouvoir de vie et de mort. Jésus qui, jusque-là n’a guère parlé de sa royauté, va la faire affirmer par ce fonctionnaire romain : « C’est toi qui dis que je suis roi ». Mais Pilate ne le voit-il pas à la manière des hommes, c'est-à-dire comme celui qui exerce un pouvoir sur les autres hommes, souvent tyrannique et arbitraire ?
Jésus poursuit comme pour l’ouvrir à un autre monde : « Moi, je vais te dire comment je suis roi : « Je suis venu dans ce monde, ton monde, pour rendre témoignage à la vérité… »
Mais là encore, de quelle vérité s’agit-il ? Dans la langue biblique, le mot « vérité », en hébreu, “èmeth” est de la même racine que “amen” ou “èmouna”, la fidélité. Elle désigne, comme dans le Psaume 92 d’aujourd’hui, quelque chose de ferme, solide, stable, immuable, sur laquelle on peut s’appuyer, parce qu’elle a fait ses preuves ; quelque chose ou quelqu’un de sûr, de fidèle, qui ne trompe pas, qui ne déçoit pas. Cette vérité n’est pas une notion abstraite, philosophique mais une personne. Elle est « l’Alpha et l’Oméga, Celui qui est, qui était et qui vient » (2ème Lecture, Ap 1, 8) qui aura le dernier mot parce qu’Il est l’Amour. Et cette personne vient humblement à notre rencontre pour que nous écoutions sa voix, c'est-à-dire pour que nous l’imitions.
Pas facile aujourd’hui pour nous de vivre souvent à contre-courant des valeurs présentées par ce monde comme des vérités, alors qu’elles ne sont que des “modes” de pensées ou de comportements, de régimes politiques ou de tendances culturelles qui passent avec le temps, chassées d’ailleurs par d’autres “modes”, souvent opposées.
Mais il ne faut pas se situer sur le même terrain : car si la vérité est une personne, qui est Dieu, elle ne se possède pas. Par contre, si nous écoutons sa voix, comme le propose Jésus à Pilate, alors nous appartenons à la vérité. Nous laissons régner Jésus sur notre vie. Elle devient remplie de pensées, de paroles, de gestes d’amour et même de pardon. Notre manière de vivre révèle, à notre petite mesure, la zone d’influence du Christ et donne sans doute à d’autres l’envie de partager cette appartenance. C’est dire qu’au cœur de nos souffrances et de nos joies, de nos fatigues et de nos attentes, de toutes nos rencontres, il nous faut chercher chaque jour, à nous laisser guider par la Parole et l’Esprit de Celui qui est Vérité et Vie. Cela ne nous dispense pas pour autant de faire appel à notre raison humaine, créée elle aussi par Dieu, mais de la vérifier à la lumière de l’Évangile.
Invitation à des moments de recueillement avec le Seigneur à la lecture de sa Parole et de la voix intérieure de nous-mêmes pour des prises de conscience personnelles, mais aussi écoute de ce que nous disent des témoins actuels de la foi, les personnes en responsabilité, ministres de la Parole ou compétents en certains domaines qui touchent à la fidélité (ou à l’oubli) de la volonté de Dieu : respect de la vie, attention aux pauvres de tout genre, recherche de la justice et de la vie fraternelle.
Appartenir à la vérité, n’est-ce pas chercher à faire la vérité dans sa vie et finalement Le trouver ? Que nos messes dominicales deviennent des moments privilégiés pour l’écoute de la Parole, la rencontre avec Celui qui nous parle au cœur et avec nos frères qui font la même démarche. Ainsi le Christ règnera à sa manière, pour le bien de notre humanité.
AMEN !