Catéchèse : Foi des premières communautés chrétiennes

La Croix est la fierté des chrétiens. Pourtant, la première réaction des disciples devant la mort de Jésus a été celle du scandale : elle signait l’échec désastreux de l’espérance qu’ils plaçaient en Jésus ! Il a fallu que Jésus ressuscité se manifeste à eux, leur envoie l’Esprit Saint pour les emplir de force, et que ce grand mystère de mort et de résurrection prenne peu à peu tout son sens pour eux jusqu’à le proclamer par toute la Terre...

La Croix est la fierté des chrétiens : « Ave Crux, spes Unica ! » (Salut Croix ! notre unique espérance !) et avec saint Paul nous disons volontiers : « Je ne veux rien savoir sinon Jésus Christ et Jésus Christ Crucifié » (1 Co 2,2) car la Croix est le signe le plus fort d’authenticité de la vie de Jésus.
Il ne faut cependant pas oublier combien elle a déstabilisé les Apôtres qui ont pris la fuite puis se sont enfermés au Cénacle par peur des Juifs. Il a fallu que Jésus ressuscité se manifeste à eux et leur envoie l’Esprit Défenseur (consolateur) pour les emplir de force et que ce grand mystère de mort et de résurrection prenne peu à peu tout son sens pour eux et qu’ils le proclament par toute la Terre.
Au travers du Nouveau Testament se retrouvent différentes façons d’interpréter ce grand mystère qui toutes se complètent et se compénètrent :
La mort de Jésus est un scandale mais sa résurrection est l’intervention de Dieu dans l’histoire
La première réaction des disciples devant la mort de Jésus est celle du scandale. Saint Paul s’en fait l’écho (Nous proclamons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu.1 Co 1,23) car pour un Juif, la mort est un scandale et partant, la Croix ne peut être un salut mais bien un échec désastreux et une négation de l’espérance qu’ils plaçaient en Jésus, comme le montre si bien la désespérance des disciples en route vers Emmaüs : « Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël, mais avec tout cela, voilà le troisième jour que ces choses sont arrivées ! » (Lc 24,21).

Ainsi, c’est la résurrection de Jésus que les Apôtres ne vont cesser d’exalter dans leur prédication. C’est elle qui est victoire, elle qui est salut puisqu’elle sauve de la mort. La Résurrection est l’intervention de Dieu dans l’histoire. Si l’on a pu croire qu’Il se taisait sur la Croix, Il a manifesté sa puissance en ressuscitant Jésus, prémices du salut. Le premier discours de Pierre dans les Actes est tout à fait caractéristique pour marquer cette opposition : « Vous l’avez fait mourir en le clouant à la Croix par la main des impies, MAIS Dieu l’a ressuscité ; le délivrant des affres de l’Hadès » (Ac 2,23-24). Une opposition analogue se retrouve dans de nombreux passages : à la fin de ce même discours (Que toute la maison d'Israël le sache donc avec certitude : Dieu l'a fait Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié.Ac 2,36) ; le discours de Pierre au Temple (Tandis que vous faisiez mourir le prince de la vie. Dieu l'a ressuscité des morts : nous en sommes témoins.Ac 3,15) ; devant le Sanhédrin (C'est lui que Dieu a exalté par sa droite, le faisant Chef et Sauveur, afin d'accorder par lui à Israël la repentance et la rémission des péchés. Nous sommes témoins de ces choses, nous et l'Esprit Saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. Ac 5,31-32) ; chez Corneille (Comment Dieu l'a oint de l'Esprit Saint et de puissance, lui qui a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui. Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. Lui qu'ils sont allés jusqu'à faire mourir en le suspendant au gibet.Ac 10,38-39) et saint Paul à la synagogue d’Antioche de Pisidie ( Et lorsqu'ils eurent accompli tout ce qui était écrit de lui, ils le descendirent du gibet et le mirent au tombeau.Ac 13,29-30).
La mort de Jésus est indissociable de sa résurrection, elle fait partie du plan du salut

A la lumière de la Résurrection de Jésus, les disciples redécouvrent combien tout est dans la main de Dieu et comprennent que sa mort fait partie intégrante du plan du salut comme le souligne Pierre dans son 1er discours : « Cet homme qui avait été livré selon le dessein bien arrêté et la prescience de Dieu, vous l’avez fait mourir. » (Ac 2,23).
C’est pourquoi les disciples, éclairés par la Résurrection et mus par l’Esprit, relisent les Ecritures en y voyant des annonces, des préfigurations qui donnent sens à la mort de Jésus, qui en devient comme plus cohérente pour la foi.

Jésus est bien le Messie annoncé par les prophètes et par là même, IL FALLAIT que le Christ souffrît.
Ainsi, les récits de la Passion sont truffés de citations bibliques (Is 53, Ps 22, Ps 69). On retrouve aussi ce souci constant dans leur prédication (Dieu, lui, a ainsi accompli ce qu'il avait annoncé d'avance par la bouche de tous les prophètes, que son Christ souffrirait.Ac 3,18), (Pour accomplir tout ce que, dans ta puissance et ta sagesse, tu avais déterminé par avance. Ac 4,28), (Et lorsqu'ils eurent accompli tout ce qui était écrit de lui, ils le descendirent du gibet et le mirent au tombeau. Mais Dieu l'a ressuscité. Ac 13,29-30), (Trois sabbats de suite, Paul discuta avec les Juifs d'après les Ecritures. Il les leur expliquait, établissant que le Christ devait souffrir et ressusciter des morts, " et le Christ, disait-il, c'est ce Jésus que je vous annonce." Ac 17,2-3), (Apollos réfutait vigoureusement les Juifs en public, démontrant par les Ecritures que Jésus est le Christ. Ac 18,28), (Soutenu par la protection de Dieu, j'ai continué jusqu'à ce jour à rendre mon témoignage devant petits et grands, sans jamais rien dire en dehors de ce que les Prophètes et Moïse avaient déclaré devoir arriver : que le Christ souffrirait et que, ressuscité le premier d'entre les morts, il annoncerait la lumière au peuple et aux nations païennes. Ac 26,22-23), (Dans l'exposé que Paul leur fit, il rendait témoignage du Royaume de Dieu et cherchait à les persuader au sujet de Jésus, en partant de la Loi de Moïse et des Prophètes.Ac 28,23) tout comme Jésus avait pris soin de l’annoncer durant sa vie publique (Prenant avec lui les Douze, Jésus leur dit : " Voici que nous montons à Jérusalem et que s'accomplira tout ce qui a été écrit par les Prophètes pour le Fils de l'homme. Il sera en effet livré aux païens, bafoué, outragé, couvert de crachats ; après l'avoir flagellé, ils le tueront et, le troisième jour, il ressuscitera. "Lc 18,31-33 et Le Fils de l'homme, certes, va son chemin selon ce qui a été arrêté.Lc 22,22) et le leur rappellera avec force après sa résurrection (Alors il leur dit : " O coeurs sans intelligence, lents à croire à tout ce qu'ont annoncé les Prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? " Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. Lc 24,25-27 et Puis il leur dit : " Telles sont bien les paroles que je vous ai dites quand j'étais encore avec vous : il faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. "Lc 24,44) .
La mort de Jésus est indissociable de la résurrection. Elle est intégrée et pleinement assumée dans le dessein de Dieu : « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait ET ressusciterait d’entre les morts le troisième jour » (Lc 24,46).
Jésus donne sa vie librement et le Père répond en exaltant son Fils dans la gloire

Si la souffrance et la mort de Jésus étaient annoncées dans l’Ancien Testament, les disciples savent bien pour autant que Jésus ne les a pas subies mais les a choisies et devancées comme l’institution de l’Eucharistie l’annonçait. Jésus donne sa vie librement (Je suis le bon pasteur ; le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis.Jn 10,11),(Jn 10,15), (C'est pour cela que le Père m'aime, parce que je donne ma vie, pour la reprendre. Personne ne me l'enlève ; mais je la donne de moi-même. J'ai pouvoir de la donner et j'ai pouvoir de la reprendre ; tel est le commandement que j'ai reçu de mon Père. Jn 10,17-18) montrant par là la perfection de sa soumission filiale, de son obéissance et de son abandon plénier dans les mains du Père ( Mais vous, vous avez chargé le Saint et le juste. Ac 3,14), (Il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! Ph 2,8), (Tout Fils qu'il était, apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance. He 5,8).
La résurrection de Jésus apparaît alors comme la réponse du Père qui exalte son Fils ; elle découle, est méritée par la remise totale de Jésus à son Père comme l’exprime l’épître aux Ephésiens : « Il s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une croix ! C’EST POURQUOI Dieu l’a exalté » (Ph 2,8-9)
« Sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son Fils, qui « s’est fait obéissant jusqu’à la mort », avec son propre don paternel, c’est-à-dire avec le don de la vie nouvelle et immortelle dans la résurrection » Jean Paul II, Redemptor Hominis
Dans l’Evangile selon Saint Jean, la mort et la résurrection sont indissociables ; sur la Croix, Jésus est glorifié.
Dans le récit johannique de la Passion, la perspective est très différente. Il s’y cache une théologie développée tout au long de l’Evangile : dans la passion de Jésus, nous avons contemplé sa gloire (Et le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. Jn 1,14), comme les annonces de la Croix dans le début de l’Evangile le signifiaient, parlant d’une « élévation » (Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme, afin que quiconque croit ait par lui la vie éternelle. Jn 3,14), (Jésus leur dit donc : " Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous saurez que Je Suis et que je ne fais rien de moi-même, mais je dis ce que le Père m'a enseigné. " Jn 8,28), (Et moi, une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi. Jn 12,32)

Ainsi, pour saint Jean sur la Croix Jésus est glorifié, exalté (par exemple, l’expression bien connue « à l’heure de passer de ce monde à son Père », peut aussi bien signifier la mort que la glorification de l’Ascension) et tout le récit de la Passion ne cesse de revenir sur le thème de la royauté. Elle est une glorification : « Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils afin que ton Fils te glorifie » (Jn 17,1).
Au 1er degré, on peut y lire les moqueries des soldats et le cynisme de Pilate mais pour saint Jean, tout le procès et la marche au Calvaire sont une intronisation royale du Christ, Roi de l’Univers (Jésus répondit : " Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici. "Jn 18,36), (Et ils s'avançaient vers lui et disaient : " Salut, roi des Juifs ! " Et ils lui donnaient des coups. Jn 19,3) (Pilate rédigea aussi un écriteau et le fit placer sur la croix. Il y était écrit : " Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs. " Jn 19,19) etc…
Ici, mort et résurrection sont un même mouvement et un même ensemble. Tout le texte exprime la majesté sereine de Jésus.
« Il vint donc par choix à la Passion,(cf. Jn 10,18), joyeux de son exploit, souriant à la couronne, charmé de sauver l’humanité et non pas en rougissant de la Croix car il sauvait la Terre entière. » saint Cyrille de Jérusalem, 13ème catéchèse pré-baptismale
Pour en savoir plus : "Dieu sauve" de Jean-Noël BEZANCON (Desclée de Brouwer)